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Acteurs
Première
Entrée - L'Architecture.
APOLLON
Le Prêtre d'Apollon
VÉNUS (Mademoiselle Maupin)
Une troupe de Grâces et de Plaisirs.
Deuxième Entrée -
La Poésie.
SAPHO
DORIS
La Prêtresse de Vénus
Troupes d'Amants et d'Amantes consacrés à Vénus
PHAON
NEPTUNE
Troisième
Entrée - La Musique.
AMPHION
EVRISTE
Troupe de Sauvages
NIOBÉ
Quatrième Entrée
- La Peinture
CAMPASPE
ASTÉRIE
APELLE
ALEXANDRE
Troupe d'Elèves d'Apelle
Troupe d'Etrangers
Cinquième Entrée -
La Sculpture
PYGMALION
Une Propétide
VÉNUS.
La Statue animée
Troupe des Arts conduits par la danse.
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Le
Triomphe des arts
PREMIÈRE
ENTREE
L'Architecture
Le
Théâtre représente un Temple qu'on vient d'élever à Apollon, Dieu
des Arts.
LE
GRAND PRÊTRE.
Troupe de ceux qui ont servi à la construction du Temple.
LE GRAND PRÊTRE D'APOLLON,
qui a dédié le Temple.
Ce Temple par vos soins est enfin achevé,
Apollon s'en promet une gloire nouvelle ;
C'est vous qui l'avez élevé
Faites-y les premier éclater votre zèle.
Célébrez Apollon, célébrez sa puissance,
Les Arts lui doivent leur naissance,
Célébrez sa gloire à jamais ;
Que votre zèle égale ses bienfaits.
CHŒUR.
Célébrons Apollon, célébrons sa puissance,
Les Arts lui doivent leur naissance,
Célébrons sa gloire à jamais ;
Que notre zèle égale ses bienfaits.
VÉNUS, sur son Char.
Cessez, mortels, cessez un vain hommage,
Faites d'un autre nom retentir ce séjour,
Du Dieu des Arts ce Temple est le partage,
Apollon l'est moins que l'Amour.
Que de nouveaux objets
annoncent sa victoire,
Mortels, reconnaissez sa gloire.
(Les
Statues du Temple se changent en des amours qui tiennent les attributs
des Arts.)
(Une
Symphonie annonce Apollon)
VÉNUS.
Mais qu'entends-je ? Apollon vient lui-même en ces lieux,
Prétend-il résister au plus puissant des Dieux ?
APOLLON.
Non, non, ne croyez pas que je vienne défendre
Le droit que mes soins m'ont acquis.
Vénus, je cède à votre fils
Tous les Titres qu'il voudra prendre.
L'amour par de funestes coups
Ne m'a que trop appris à craindre son courroux.
Mais l'honneur dont il veut relever sa puissance
Appartient comme nous au Héros de la France.
Laissons-en le partage à cet auguste Roy,
Les Arts lui doivent plus qu'à l'amour ni qu'à moi.
VÉNUS.
Mon fils consent à ce partage,
Il n'est point pour ce Roi de nom trop glorieux ;
Il est du Ciel le plus parfait ouvrage,
Et sa grandeur fait la gloire des Dieux :
Venez plaisirs, formez
la fête la plus belle,
Attirez s'il se peut, ses augustes regards ;
Faites vois dans nos jeux le triomphe des Arts ;
Que chaque jour il renouvelle.
UN HOMME ET UNE FEMME
DE LA FÊTE.
Il est un temps pour être sage,
C'est notre dernière saison,
Mais quand on est dans le bel âge
L'amour sied mieux que la raison.
Malgré nos soins, l'amour nous blesse
On ne peut éviter ses traits,
Il a des droits sur la jeunesse
Dont il ne dispense jamais.
VÉNUS.
A quoi sert de se défendre,
De former d'aimables noeuds ?
L'amour seul peut nous apprendre
Le secret de vivre heureux.
Aimons le poids de
nos chaînes
L'amour compte nos soupirs,
C'est sur nos soins & nos peines
Qu'il mesure nos plaisirs.
CHŒUR.
L'Amour nous suit dans cet asile,
Il n'est permis qu'à ses ardeurs
De troubler la paix tranquille
Qui règne dans les jeunes coeurs.
VÉNUS.
Par de plus nobles jeux attirez les regards,
Allez vous transformer pour la gloire des Arts.
FIN DE LA
PREMIÈRE ENTRÉE.

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DEUXIÈME
ENTREE
La
Poésie.
Le
Théâtre représente le Temple de Vénus, d'où l'on découvre la mer.
Scène Première.
SAPHO.
Amour, tu ne te plais qu'à
tromper mes désirs.
Non tu n'as point de douces chaînes,
Tu ne promets que des plaisirs
Et tu ne donnes que des peines.
Quand un ingrat pour se sentit enflammer,
Devais-tu me le peindre & fidèle & sincère ?
Pourquoi l'aider à me charmer ?
Où sont ces serments que tu lui faisais faire ?
Quand j'ai commencé de l'aimer,
J'ai cessé de lui plaire.
Amour, tu ne te plais qu'à tromper mes désirs.
Non tu n'as point de douces chaînes,
Tu ne promets que des plaisirs
Et tu ne donnes que des peines.

Scène Seconde.
SAPHO,
DORIS.
DORIS.
J'ai fait ce que vous souhaitez.
Pour vous plaire ici tout s'empresse :
On ava bientôt offrir à la Déesse
L'hommage ingénieux que vous lui présentez.
Sapho, vous avez lieu
de croire
Que Vénus à vos voeux prêtera son secours.
Quand vous servez si bien sa gloire
Elle doit servir vos amours.
SAPHO.
Tu me flattes en vais, la douleur me surmonte :
Je me meurs d'amour & de honte.
Quelle fatale ardeur
a séduit mes esprits ?
Quel est l'excès où je m'engage !
Malheureuse ! je cours après un coeur volage,
Et je viens chercher ses mépris !
Mais Hélas ! je n'ai pu m'empêcher de le suivre,
Quelque sort que l'ingrat me réserve en ces lieux,
Loin de lui je ne saurais vivre,
Il me sera plus doux d'expirer à ses yeux.
DORIS.
Il est temps que l'espoir succède à votre peine.
De quel plaisir ne jouirez-vous pas
Si votre amant reprend sa chaîne ?
Ah ! qu'un inconstant a d'appas
Quand l'amour le ramène.
SAPHO.
Eh ! l'ingrat devrait-il porter ailleurs sa foi ?
Peut-il trouver un coeur qui l'aime comme moi ?
Tu connais ma tendresse
extrême,
Mon coeur est tout rempli de ce perfide amant.
Le jour, la nuit, le sommeil même
Ne peut m'en distraire un moment.
Tout m'entretient de l'objet qui m'enchante,
C'est la seule douceur qui flatte mon ennui :
Sans cesse à mes regards son image est présente,
Et même en te parlant je te vois moins que lui.
DORIS.
Que vôtre ardeur est violente,
Mon âme s'attendrit au récit de vos feux.
Hélas ! que vous seriez contente,
Si le plus tendre coeur était le plus heureux.
SAPHO, DORIS.
Hélas ! que { je serais/vous seriez} contente,
Si le plus tendre coeur était le plus heureux.
DORIS.
Mais votre sort va prendre une face nouvelle,
On s'avance en ces lieux, prenez un doux espoir,
La Déesse va recevoir
L'hommage qu'Apollon vous a dicté pour elle.

Scène Troisième.
SAPHO,
DORIS, LA PRÊTRESSE de Vénus.
Troupe d'Amants & d'Amantes consacrée à la Déesse, & portant
les attribut des Dieux, dont ils élèvent un Trophée à Vénus. Ils
chantent l'Hymne que Sapho a composé à l'honneur de Vénus, pour
se la rendre favorable.
LE CHŒUR.
Régnez, Vénus, régnez favorable Déesse,
Charmez les coeurs que l'amour blesse.
Enchantez la terre & les Cieux,
Triomphez, à jamais des mortels & des Dieux.
LA PRÊTRESSE.
Exercez dans le monde un empire suprême,
Faites sentir partout vos charmantes langueurs,
On jouit sous vos lois d'une douceur extrême,
Et vous répandez dans les coeurs
Tous les plaisirs que vous goûtez vous-même.
LE CHŒUR.
Régnez, Vénus, régnez favorable Déesse,
Charmez les coeurs que l'amour blesse.
Enchantez la terre & les Cieux,
Triomphez, à jamais des mortels & des Dieux.
UN AMANT & UNE
AMANTE.
Tendres coeurs sur ces rivages
Goûtez le sort plus doux :
Vos plaisirs sont les hommages
Que Vénus attend de vous.
Quelle est l'âme
Qui ne s'enflamme ;
Sans amour
A-t 'on un beau jour ?
Tendres coeurs sur ces rivages
Goûtez le sort plus doux :
Vos plaisirs sont les hommages
Que Vénus attend de vous.
Elle aime à servir nos feux,
Ses plus doux voeux
Sont de nous rendre heureux.
Tendres coeurs sur ces rivages
Goûtez le sort plus doux :
Vos plaisirs sont les hommages
Que Vénus attend de vous.
DEUX AUTRES AMANTS.
Jeunes coeurs, si vous voulez charmer,
Laissez-vous enflammer,
Le secret de plaire
Est de bien aimer.
L'amour fuit la beauté sévère,
Sans ses feux les plus doux appas
Ne touchent pas.
Jeunes coeurs, si vous voulez charmer,
Laissez-vous enflammer,
Le secret de plaire
Est de bien aimer.
Aimons tous, notre coeur en doit faire
Son unique affaire,
Qui sent l'amour
L'inspire à son tour.
Jeunes coeurs, si vous voulez charmer,
Laissez-vous enflammer,
Le secret de plaire
Est de bien aimer.
LA PRÊTRESSE.
Quel transport me saisit, & quel ardeur m'enflamme !
La Nuit de l'avenir se dévoile à mes yeux.
Tremblez mortels, le Ciel vient d'éclairer mon âme,
Que tous respectent en moi la présence des Dieux.
Sapho, c'est trop
verser de larmes,
Le repos désormais va régner dans ton coeur,
Je vois la fin de tes alarmes,
Et je ne saurais voir la fin de ton bonheur.

Scène Quatrième.
SAPHO.
Revenez doux plaisirs, revenez dans mon coeur,
L'espérance vous y rappelle.
L'amour touché de ma langueur
Va renouer pour moi les noeuds d'un infidèle.
Revenez doux plaisirs, revenez dans mon coeur,
L'espérance vous y rappelle.
Rien ne troublera plus une flamme si belle,
Ce qu'elle eut pour moi de rigueur
M'y fera retrouver une douceur nouvelle.
Revenez doux plaisirs, revenez dans mon coeur,
L'espérance vous y rappelle.
Mais Ciel ! c'est mon amant qui paraît dans ces lieux,
Pour connaître son coeur cachons-nous à ses yeux.

Scène Cinquième.
PHAON,
SAPHO.
PHAON, sans voir Sapho.
O Vénus ! sois sensible au trouble où tu me vois.
L'amour implore par ma voix.
Je cherche dans ces lieux une Nymphe charmante,
Et pour me ranger sous sa loi,
Je me dérobe aux voeux de la plus tendre amante,
Fais que toute l'ardeur qu'elle sentait pour moi,
Passe dans l'objet qui m'enchante.
O Vénus ! sois sensible au trouble où tu me vois.
L'amour implore par ma voix.
SAPHO.
Perfide, c'est donc là le sujet qui t'amène !
Tu viens prier Vénus pour de nouveaux liens ?
Et je la presse en vain de renouer ta chaîne,
Ton coeur lui fait des voeux qui détruisent les miens.
PHAON.
Vous m'avez entendu, je n'ai rien à répondre ;
Mon changement est éclairci,
Mais pourquoi chercher jusqu'ici
Le vain plaisir de me confondre ?
SAPHO.
Cruel, c'est donc le seul dont je dois me flatter ?
PHAON.
L'amour sous d'autres lois a voulu m'arrêter.
SAPHO.
O Ciel ! faut-il qu'un ingrat me déclare
Qu'à sortir de mes fers il a pu consentir.
Je n'en veux point l'aveu, barbare,
Je n'en veux que le repentir.
Heureuse qu'à mon
gré ton amour pût renaître !
PHAON.
Un coeur suit toujours son penchant,
Il ne connaît point d'autre maître
Rien ne peut le rendre constant,
Que le plaisir qu'il sent à l'être.
SAPHO.
Quoi rien ne peut pour moi rallumer tes ardeurs ?
PHAON.
Accusez-en le Dieu qui dispose des coeurs.
SAPHO.
Toi, que pour mon amant ma Muse a fait connaître,
Ingrat tu trahis nos amours !
Nos noms sont unis pour toujours
Et nos coeur ne le peuvent être !
Grands Dieux, pourquoi
donc ce présage
Dont vous me flattiez aujourd'hui
Vous deviez sous mes lois ramener ce volage ;
Mais vous me trompez comme lui.
Ah ! c'en est
trop, suivons la fureur qui me guide ;
Terminons un funeste sort ;
Je n'ai pu t'arracher un seul soupir, perfide,
Il faut l'obtenir par ma mort.
(Elle court se précipiter
dans la mer.)
PHAON.
Arrêtez, arrêtez, où courez-vous cruelle ?
O Ciel ! elle périt, quelle douleur mortelle !

Scène Sixième.
On
entend une Symphonie agréable.
PHAON.
Quels sons de mes regrets interrompent le cours ?
Cessez charmants concerts, laissez-moi ma tristesse ;
C'est pour moi que Sapho vient de finir ses jours,
Du moins je la plaindrai sans cesse,
Si je n'ai pu l'aimer toujours.
(Neptune paraît sur
la mer.)
Cesse de plaindre
une Déesse,
Sapho prend sa place en ce jour
Entre les filles de mémoire.
Le Ciel qui prend soin de sa gloire,
Veut l'égaler à son amour.
FIN DE LA
SECONDE ENTRÉE.

|
TROISIÈME
ENTREE
La
Musique
Le
Théâtre représente un désert.
Scène Première.
AMPHION,
MÉNALE.
AMPHION.
Hélas, avec un coeur si généreux, si tendre,
Que n'avais-je un Trône à donner ?
Pour l'objet de ma flamme on m'en verrait descendre :
Ma main prompte à le couronner
Se chargerait d'un soin que les Dieux devaient prendre.
Hélas, avec un coeur si généreux, si tendre,
Que n'avais-je un Trône à donner ?
MÉNALE.
Espérez tout de votre voix,
Rassemblez les humains, obtenez leurs hommages,
Vous savez attirer les rochers & les bois,
Les mortels sont-ils plus sauvages.
AMPHION.
Je vais enfin tenter ce dessein glorieux ;
Que ne peut point mon art secondé par les Dieux ?
O ! vous, qui lancez
le tonnerre,
Vous, que craint le Ciel même & qu'adore la terre,
Jupiter, si c'est vous dont j'ai reçu le jour,
Servez en ce moment ma gloire & mon amour.
(Pendant
ce récit le Théâtre change, & devient insensiblement la ville
de Thèbes.)
Antres affreux, retraites
sombres,
Que ma voix dissipe vos ombres,
Que de superbes murs dans votre sein formés,
Etonnent le Soleil de leur beautés naissantes ;
Tristes lieux, devenez des demeures brillantes,
Dignes de plaire aux yeux dont les miens sont charmés.
Vous, sauvages mortels,
descendez des montagnes,
Quittez les bois & les campagnes.
Sous un empire heureux il faut vous réunir ;
Faites régner l'objet pour qui mon coeur soupire,
Venez, si ma voix vous attire
Ses yeux sauront vous retenir.
CHŒUR DES SAUVAGES
derrière le Théâtre.
Rassemblons-nous, quittons nos retraites sauvages,
A de si doux accents nous devons nos hommages.
(Ils
entrent après que le choeur est fini.)

Scène Deuxième.
NIOBÉ,
CHŒUR DE SAUVAGES.
NIOBÉ.
Quels sons ai-je entendus ! jamais rien de si doux...
Mais, ô Dieux ! Amphion, en quels lieux sommes-nous ?
Quels prodiges vois-je paraître ?
AMPHION.
Pourquoi vous en étonnez-vous ?
C'est vous qui les avez fait naître.
Ces mortels à ma voix
rassemblés dans ces lieux,
Ces remparts, ces Palais, l'ornement de la Grèce,
Sont les effets de l'ardeur qui me presse,
Et cette ardeur est l'effet de vos yeux.
A suivre vos lois
tous aspire,
Régnez, & jouissez d'un destin plein d'attraits,
Commencez ici votre Empire,
Qu'il s'étende par tout & qu'il dure à jamais.
(Le
Choeur répète ces quatre derniers vers.)
AMPHION.
Vos yeux de tous les coeurs vous attirent les hommages,
Avec moi tout embrasse un empire si doux :
Non, Il n'est point de coeur assez sauvage
Pour l'être encore auprès de vous.
NIOBÉ.
Hélas ! tout ce pouvoir ne touche point mon âme,
Je hais ces nouveaux soins, dont vous m'embarrassez ;
Avez-vous cru que ma flamme
Ne m'occupait pas assez.
Jamais pour le grandeur
suprême
Ai-je formé les moindres voeux,
Ah ! vous savez trop bien que mon coeur amoureux
Ne cherchait en vous que vous même.
AMPHION.
Pour gage éclatant de ma foi,
Je vous devais une couronne :
Le pouvoir que mon Art vous donne,
Devait prouver celui que vous avez sur moi.
NIOBÉ.
Je voulais sur vous seul étendre ma victoire,
De quoi me sert le rang où je monte en ce jour ;
Retranchez plutôt de ma gloire,
Pour ajouter à votre amour.
AMPHION.
Rien n'est si fort que l'amour qui m'engage.
Jamais on n'a brûlé d'une si vive ardeur,
Il faudrait avoir plus d'un coeur
Pour en ressentir davantage.
AMPHION
& NIOBÉ.
C'est de vos seuls plaisirs que je fais mon bonheur ;
Qu'à vos voeux, ici, tout réponde,
Vivez heureux/Vivez heureuse } et régnez dans le monde
Aussi longtemps que dans mon coeur.
CHŒUR.
A suivre vos lois tous aspire,
Régnez, & jouissez d'un destin plein d'attraits,
Commencez ici votre Empire,
Qu'il s'étende par tout & qu'il dure à jamais.
(Les
Sauvages élèvent un Trône à Amphion & à Niobé, & leur
rendent hommage.)
UN SAUVAGE.
Quel est le coeur qu'un tendre amour n'entraîne ?
Qui peut dompter ses aimables langueurs ?
De tous nos traits souvent l'attaque est vaine,
Et nos efforts ne sont pas tous vainqueurs.
Mais l'amour porte une atteinte certaine,
Ses traits charmants ne manquent point les coeurs.
NIOBÉ.
Amour c'est à toi seul que je dois mes plaisirs,
La gloire de régner flatte peu mes désirs ;
Tes chaînes sont pour moi mille fois plus aimables :
Je crains que de mon sort les Dieux ne soient jaloux,
Ils goûtent dans les Cieux les biens les plus durables,
Mais mon coeur enchanté possède le plus doux.
UNE SAUVAGE.
En aimant
Tout paraît charmant ;
Est-il un plaisir plus touchant ?
Heureux, heureux un coeur qui pour maître
N'a que son penchant.
Dans les bois le sort nous fit naître,
Mais tous les lieux ont des attraits
Pour ceux qu'amour a blessé de ses traits.
En aimant
Tout paraît charmant ;
Est-il un plaisir plus touchant ?
Heureux, heureux un coeur qui pour maître
N'a que son penchant.
Tous nos voeux
Et tous nos soins sont de nous rendre heureux,
Nous aimons pour l'être,
Nos tendres désirs
Sont déjà des plaisirs.
En aimant
Tout paraît charmant ;
Est-il un plaisir plus touchant ?
Heureux, un coeur qui pour maître
N'a que son penchant.
FIN DE LA
TROISIÈME ENTRÉE.

|
QUATRIÈME
ENTREE
La
Peinture.
Le
Théâtre représente le cabinet d'Apelle dans le Palais d'Alexandre,
où son histoire est peinte de la main d'Apelle.
Scène Première.
CAMPASPE.
Qu'un coeur est prévenu quand sa flamme est extrême !
Qu'il trouve de raisons pour aimer ce qu'il aime !
Contre mes voeux la gloire a beau se déclarer,
La raison vainement s'arme pour les détruire,
L'amour sait bien mieux nous séduire
Que la raison ne sait nous éclairer.
Qu'un coeur est prévenu quand sa flamme est extrême !
Qu'il trouve de raisons pour aimer ce qu'il aime !

Scène Seconde.
CAMPASPE
& ASTÉRIE.
CAMPASPE.
Apelle en ces lieux va se rendre,
C'est ici que sa main va achever mes traits,
Mais je crains que son Art n'ajoute à mes attraits,
Et ne redouble encore la flamme d'Alexandre.
ASTÉRIE.
Quoi son amour peut-il vous alarmer ?
Craignez-vous de le rendre extrême ?
CAMPASPE.
Puis-je me plaire à l'enflammer ?
Hélas ! ce n'est pas lui que j'aime.
ASTÉRIE.
Vous ne l'aimeriez pas ? a qui donc votre coeur
Peut-il céder une indigne victoire ?
CAMPASPE.
Cesse d'outrager mon vainqueur,
Ces lieux sont remplis de sa gloire.
Que pour moi ces travaux ont de charmants appas !
ASTÉRIE.
Du Maître des lieux c'est l'histoire immortelle,
J'y vois sa gloire & ses combats.
CAMPASPE.
Et moi j'y vois encor les Triomphes d'Apelle.
L'Art plus que la valeur est aimable à mes yeux.
Par lui tout agit, tout respire,
Il semble animer tout à l'exemple des Dieux,
La valeur ne sait que détruire.
ASTÉRIE.
La gloire du Héros devait vous enflammer ;
Il tient entre ses mains le destin de la guerre,
Rien ne résiste aux voeux qu'il lui plait de former,
Le Ciel même à son gré fait tomber le Tonnerre.
CAMPASPE.
Je sais qu'il fait trembler la Terre,
Mais Apelle sait charmer.
Mon coeur aurait aimé peut-être
Cet aimable Héros dont j'allume les feux ;
Mais avant qu'il ne m'offrit ses voeux,
Apelle de mon coeur était déjà le maître.
ASTÉRIE.
Faites pour l'en bannir un effort généreux.
CAMPASPE.
Non, non, ne combat plus l'ardeur qui l'a fait naître.
C'est un mal que j'aime à souffrir,
Je hais ce qui peut m'en guérir,
Et je ne veux songer qu'à ce qui peut l'accroître.
Mais je vois Apelle
paraître,
Hélas ! qu'en le voyant je me sens attendrir !
Scène Troisième.
APELLE,
CAMPASPE.
APELLE.
Pour exprimer les traits dont le Ciel vous partage,
L'Art n'a que de faibles beautés,
Le seul amour peut en tracer l'image
Dans les coeurs que vous enchantez.
CAMPASPE.
Vous avez peint Vénus, elle a charmé la Grèce,
Un coeur en la voyant apprend à soupirer,
Et vous avez fait révérer
L'ouvrage autant que la Déesse.
Après Vénus est-il
d'autre appas
Que votre Art n'embellisse pas ?
APELLE.
Vénus est la beauté que l'Uivers adore,
Tout cède à ses charmes vainqueurs :
Mais qui vous voit est plus épris encore,
Et ses yeux n'ont jamais allumé dans les coeurs
Le feu qui pour vous me dévore.
CAMPASPE.
Que venez-vous m'apprendre ? Apelle vous m'aimez ?
APELLE.
J'en fais un aveu téméraire,
Mais malgré moi vous me charmez,
Et j'ai trop d'amour pour me taire.
Mon amour à la gloire est venu m'animer,
Le monde est embelli de ce qu'il m'a fait faire,
Je voulais être au moins digne de vous aimer,
Si je ne l'étais de vous plaire.
CAMPASPE.
Hélas !
APELLE.
Que ce soupir trouble mon coeur jaloux,
Il s'échappe pour Alexandre
Et m'annonce votre courroux ;
A ce partage hélas ! je devais bien m'attendre.
CAMPASPE.
Que vous êtes cruel de ne le pas comprendre.
APELLE.
Que croire ? & que me dites-vous ?
Aurais-je quelque part à ce soupir si tendre ?
CAMPASPE.
Mais yeux osent le dire & vous n'osez l'entendre.
APELLE.
Ah ! C'est trop de plaisirs, mon coeur les ressent tous
Je vais de leur excès mourir à vos genoux.
(Il
se jette aux genoux de Campaspe, & il est surpris par Alexandre.)

Scène
Quatrième.
ALEXANDRE,
CAMPASPE, APELLE.
ALEXANDRE.
Que vois-je ? on me trahit, ô Dieux le puis-je croire ?
Quel malheur m'accable en ce jour ?
Ciel ! me fais-tu payer les faveurs de la gloire,
Par les outrages de l'amour.
(A
Apelle.)
Perfide,
c'est sur toi qu'il faut venger ma peine,
J'éteindrai dans ton sang ta téméraire ardeur :
Rien ne peut t'arracher au courroux qui m'entraîne,
Jusqu'à la vengeance & la haine,
Tout est extrême dans mon coeur.
CAMPASPE.
Ah ! faites grâce à se tendresse,
Son coeur pour moi s'est laissé prévenir :
Vous avez la même faiblesse;
Pourquoi voulez-vous l'en punir ?
ALEXANDRE.
Cruelle, c'en est trop, son ardeur vous est chère,
C'est ce qui contre lui doit encore m'animer :
Son crime est d'être heureux plutôt que téméraire
Il ne périra pas pour oser vous aimer,
Mais pour savoir vous plaire.
CAMPASPE.
Ah ! Seigneur, gardez-vous d'attenter à son sort ;
N'allez point vous couvrir d'une tache éternelle,
Quand son Art vous assure une vie immortelle,
Pourriez-vous lui donner la mort ?
APELLE.
Non non, suivez les transports de votre âme,
Faites-moi tomber sous vos coups,
Je ne puis surmonter ma flamme ;
Ni soutenir votre courroux.
ALEXANDRE.
Eh bien ! c'est donc à moi de me vaincre moi-même,
Mon coeur doit être le plus fort ;
Mais quoi ! céder ce que l'on aime ?
Ah ! quel coeur l'est assez pour un si grand effort.
APELLE &
CAMPASPE.
Sur vous-même aujourd'hui remportez la victoire,
Couronnez notre amour, & combler votre gloire,
ALEXANDRE,
à Campaspe.
Je dompte enfin pour vous l'amour le plus ardent,
Jamais je n'ai souffert une si rude guerre,
Je suivais mon penchant en soumettant la Terre,
Et j'y résiste en vous cédant.
CAMPASPE.
Seigneur, cet effort nous engage...
ALEXANDRE.
Je vous laisse, à vos voeux je viens de consentir ;
Mais en vous voyant davantage
Je craindrais de m'en repentir.

Scène
Cinquième.
APELLE
& CAMPASPE.
APELLE.
Vous qu'une noble ardeur a rangés sous mes lois,
Qui cherchez par mon Art une illustre mémoire,
Venez, accourez à ma voix,
Célébrez mon amour, célébrez ma victoire,
Chantez mon bonheur & ma gloire.
Par des
jeux nouveaux & charmants
Secondez les transports de deux heureux amants.
(Des
élèves d'Apelle lui amènent des étrangers attirés par sa réputation,
qui se joignent avec eux pour célébrer son bonheur.)
UN INDIEN.
Partout la renommée a pris soin de répandre
De ton Art enchanteur les prodiges divers ;
Ton nom vole aussi loin que le nom d'Alexandre ;
Nous venons t'admirer au bout de l'Univers.
CHŒUR.
Célébrons son amour, célébrons sa victoire,
Chantons son bonheur & sa gloire.
UN ÉLÈVE
D'APELLE.
Nos beaux ans
Sont le bon temps
Pour la tendresse ;
Que les coups d'amour sont doux
Dans la jeunesse !
Il n'est point de bien pour nousk
S'il nous blesse.
Quand un coeur
Fuit son ardeur,
Qu'il est plaindre !
Ce vainqueur
Pour son bonheur
Veut le contraindre.
Cédons tous,
De nos voeux il est jaloux,
C'est son courroux
Qu'un coeur doit craindre.
UNE INDIENNE,
à Apelle & à Campaspe.
Vous attachez tous les deux les Grâces sur vos pas,
Vous gagnez tous les coeurs par d'invincibles armes ;
L'Art fait briller par vous les plus puissants appas,
Et la nature en vous fait briller tous ses charmes.
FIN
DE LA QUATRIÈME ENTRÉE.

|
CINQUIÈME
ENTREE
La
Sculpture.
Le
Théâtre représente l'Atelier de Pygmalion au milieu duquel parait
la Statue dont iles charmé.
Scène Première.
PYGMALION,
seul.
Fatal Amour, cruel vainqueur,
Quels traits as-tu choisis pour me percer le coeur ?
Je goûtais une paix profonde.
L'estime des mortel avait comblé mes voeux ;
Pourquoi viens-tu par de bizarres feux,
Me rendre la fable du monde ?
Fatal Amour, cruel vainqueur,
Quels traits as-tu choisis pour me percer le coeur !
Je tremblais de t'avoir pour maître
J'ai craint d'être sensible, il fallait m'en punir;
Mais devais-je le devenir
Pour un objet qui ne peut l'être.
Fatal Amour, cruel vainqueur,
Quels traits as-tu choisis pour me percer le coeur ?
Cette beauté que rien
n'égale...

Scène Deuxième.
PYGMALION,
UNE PROPÉTIDE.
LA PROPÉTIDE
Ingrat, c'est donc ici que tu portais tes pas ?
Où t'entraîne sans cesse une flamme fatale ?
Tu me fuis pour chercher d'insensibles appas,
Et cette ouvrage est ma rivale,
PYGMALION.
Accusez-en le céleste courroux :
Je brûle d'une ardeur que je ne puis éteindre,
Mon coeur se la reproche encore plus que vous,
Mais il n'en est que plus à plaindre.
Cessez d'aimer l'objet
de la haine des Dieux,
Etouffez votre amour, que la raison le dompte ;
Fuyez, fuyez loin de ces lieux,
Et cachez à jamais vos soupirs & ma honte.
LA PROPÉTIDE.
Que je fuie ! ah ! cruel, est-il en mon pouvoir ?
En vain tu braves qui t'adore,
Par tes mépris mon feu s'irrite encore,
Ma vie est attachée au plaisir de te voir.
Non tu n'es point l'objet de la haine céleste,
C'est sur moi que le Ciel épuise sa rigueur,
Et Vénus poursuit dans mon coeur,
Le reste malheureux d'un sang qu'elle déteste.
Ciel ! tu ne
daignes pas écouter mes regrets,
Tes regards son sans cesse attachés sur ses traits.
Pourquoi ton Art fit-il une image si belle ?
Hélas ! que n'ai-je ses attraits,
Ou que ne suis-je insensible comme elle ?
PYGMALION, regardant
la Statue
Ah ! si elle était une mortelle....
LA PROPÉTIDE.
Ingrat n'achève pas tes barbares souhaits.
PYGMALION.
Non, je ne puis le taire davantage,
Mon coeur cherche partout les traits de cet objets,
Et si c'est vous faire un outrage,
Je vous offre à percer le coeur qui vous le fait.
LA PROPÉTIDE.
Je punirai mieux ton caprice,
C'est en t'aimant toujours qu'il faut venger ma foi,
Je ne puis inventer pour toi,
Un plus cruel supplice.
PYGMALION.
O Vénus, mère des plaisirs,
Daigne enfin calmer ta colère,
Etouffe dans nos coeurs de malheureux désirs
Ou consent à les satisfaire.
Qu'entends-je ?
& quel éclat se répand en ces lieux ?
C'est Vénus qui s'offre à mes yeux.

Scène Troisième.
VÉNUS,
LA PROPÉTIDE, PYGMALION.
VÉNUS.
Je viens finir les maux où ta flamme t'engage,
Mon fils pour ton bonheur veut s'unir avec moi ;
Je vais animer cette image,
Et l'amour aussitôt doit l'enflammer pour toi ;
C'est ainsi que ton Art reçoit la récompense.
LA PROPÉTIDE.
Cruelle, à quel excès portes-tu la vengeance ?
Non, barbare Divinité,
Je ne redoute plus ta haine,
Je te défie avec ta cruauté
De rien ajouter à peine.
Souffre à ton tour
les maux que tu fais aux mortels,
Que ton fils te déclare une implacable guerre ;
Et qu'avec moi toute la Terre,
Ose outrager ton nom, & briser tes Autels.
Vain transport, inutile
plainte,
Le secours de ce fer servira mieux mon coeur,
Mais il m'échappe, & la douleur
M'accable, & prévient son atteinte.
VÉNUS.
J'ai pitié de sa peine, & par son changement
Je veux venger ma gloire & finir son tourment.
(Elle
est changée en rocher.)
(A
Pygmalion.)
Toi reconnais ta nouvelle
conquête,
L'amour veut servir tes désirs :
Bientôt par une aimable fête,
Les Arts vont en ce lieux célébrer tes plaisirs.
(Vénus
part, & l'Amour vole avec un flambeau devant la Statue qui
devient animée.)

Scène Quatrième.
PYGMALION,
LA STATUE.
LA STATUE.
Que vois-je ?
Où suis-je ? & qu'est-ce que je pense ?
D'où me viennent ces mouvements ?
Que dois-je croire, & par quelle puissance
Puis-je exprimer mes sentiments ?
Mais quel objet ? mon âme en est ravie ;
Je goûte en le voyant le plaisir le plus doux,
Ah ! je sens que les Dieux qui me donnent la vie
Ne me la donnent que pour vous.
PYGMALION.
De mes maux à jamais cet aveu me délivre ;
Vous seule, aimable objet, pouviez me secourir :
Si le ciel ne vous eût fait vivre,
Il me condamnait à mourir !
LA STATUE.
Quel heureux sort pour moi ! vous partagez ma flamme,
Ce n'est pas votre voix qui m'en instruit le mieux ;
Mais je reconnais dans vos yeux
Ce que je ressens dans mon âme.
PYGMALION.
Pour un coeur tout à moi puis-je trop m'enflammer ?
Que votre ardeur doit m'être chère,
Vos premiers mouvements ont été de m'aimer.
LA STATUE.
Mon premier soins de vous plaire.
Je suivrai toujours votre loi,
Prenez soin d'un destin que j'ignore,
Tout ce que je connais de moi,
C'est que je vous adore.
PYGMALION & LA
STATUE.
Aimons-nous, aimons-nous toujours,
Notre bonheur dépend de nos amours.
PYGMALION.
Ce concert nous annonce une agréable Fête,
Les Arts viennent ici célébrer ma conquête.

Scène Cinquième.
PYGMALION,
LA STATUE.
Choeur des Arts conduits par la Danse.
CHŒUR.
Jouissez d'un bonheur extrême,
Que de vos feux rien n'arrête le cours.
Et que l'amour vous apprenne lui-même
L'Art de plaire & d'aimer toujours.
UN MATELOT POUR LA
NAVIGATION.
Embarquez-vous, jeunesse trop timide,
Profitez d'un heureux loisir ;
Aimez, aimez, l'amour est le seul guide
Qui mène les coeurs au plaisir.
UNE PAYSANNE POUR
L'AGRICULTURE.
Le plaisir est dans nos bocages,
L'amour nous y suit toujours,
Nous voyons tomber nos feuillages
Sans voir finir nos beaux jours.
Quand la belle saison cesse,
Nos coeurs ne sont pas moins contents,
Et la jeunesse & la tendresse
Nous tiennent lieu du Printemps.
MADEMOISELLE GHERARDI
REPRESENTANT LA MUSIQUE CHANTE L'AIR ITALIEN.
Un dolce cant di vaga beltà,
Puol dar si vento diu cantar la liberta ;
Ei rende immota la Dea vagante,
El crin volante porger le fa.
L'ASTROLOGIE.
Amants que l'avenir alarme,
En vain sur votre sort vous consultez les Cieux,
Vous en apprendrez plus de l'objet qui vous charme,
Le sort qui vous attend est écrit dans ses yeux.
LE CHŒUR.
Du doux bruit de nos chants, que ces beaux lieux résonnent
Que l'Hymen, que l'amour vous couronnent,
Que ces Dieux comblent vos désirs
Jouissez de tous leurs plaisirs.
FIN DE LA
CINQUIÈME ET DERNIÈRE ENTRÉE.
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