Voici une critique
de l'opéra Scanderberg, mais qui définit à merveille l''opéra
tel qu'on l'aime en France au XVIIIe siècle.
La
musique est de Messieurs Rebel et Francoeur,... Leurs chants sont
doux et naturels. Leur expression est juste, noble et pathétique.
Leur récitatif est dans le goût de Lully et de M. Destouches sans
être néanmoins en aucun endroit emprunté de ces grands maîtres.
Les divertissements sont bien caractérisés. Les instruments parlent
avec autant de force que de netteté et semblent dire toujours de
quoi il s'agit, parce que les symphonies sont propres à chaque partie
du ballet. Tous les airs sont chantants, faciles à retenir, nerveux
sans bizarrerie, légers sans bassesse, naturels sans trivialité.
Ceux qui veulent du sentiment et du génie y en trouvent ; les
amateurs du travail, les savants en musique, s'ils ne sont point
prévenus, rendent justice à un grand nombre d'endroits où il y a
de profondes combinaisons. La science est surtout dans les accompagnements
et dans les choeurs. Enfin, tout est dessiné ; ce ne sont point
des beauté de hasard et de caprice ; c'est de l'enthousiasme
et de la réflexion, rien n'y grimace, tout est correct, sensé. Ce
n'est point un travail sec, dur, déplacé, c'est un art délicat qui
se cache, qui ressemble à la nature et qui l'embellit. Cette alliance
du génie, de la recherche et du goût est le mystère de la musique
théâtrale.
In Pierre-François Guyot-Desfontaines.
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