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Abbé Pellegrin
Simon-Joseph
(1663-1745)




 

 



 


" Le matin catholique et le soir idolâtre,
Il dînait de l’Eglise et soupait du Théâtre ".

Remy

Poète et librettiste né à Marseilles en 1663 et mort à Paris en 1745. Entré dans les ordres, et ayant tenté de concilier d’abord ses deux carrières, religieuse et profane,  - ce qui lui valut l’épigramme de Rémy, et ce qui explique également la publication de ses œuvres sous d’autres noms (De La Roque, Melle Barbier) -, il finit par se consacrer entièrement à la littérature. Il travailla pour Madame de Maintenon et pour son institution de Saint-Cyr, pour lesquelles il produisit nombre de cantiques, ainsi que pour les théâtres de la Foire. En 1704, il remporta le double prix de l’Académie française, et cette reconnaissance de son talent lança véritablement sa carrière de dramaturge. Son premier grand succès sur la scène lyrique fut Médée et Jason, une tragédie mise en musique par Salomon. Il écrivit de nombreux livrets, et collabora avec les musiciens Destouches, Desmarest, Montéclair, Rameau… Avec Jephté, en 1732, il fut à l’origine d’une petite révolution, car c’était la première fois que l’on osait porter sur une scène profane une histoire inspirée la Bible. Cette œuvre eut un immense succès et fut donnée par l’Académie royale tout au long du XVIIIe siècle. Cette tragédie fit également forte impression sur  sur le compositeur Jean-Philippe Rameau qui demanda un livret à l’auteur. Ce fut Hippolyte et Aricie, une tragédie présentée l’année suivante et dans laquelle on retrouve des accents empruntés à Jephté. Hippolyte et Aricie fut, elle aussi, une révolution, mais musicale cette fois, car elle était en rupture avec la tragédie lullienne et marqua la fin de l’ère baroque en France.
Chabanon dans son Éloge de Rameau (1764) écrivit : " Comment peindrons-nous l’impression que produisit dans le public Hippolyte et Aricie ? Qu’on se fasse un tableau de ces républiques tumultueuses où les citoyens, enflammés du zèle de leurs prérogatives, les soutenaient avec fureur contre tout usurpateur prêt à y attenter ; on aura une juste idée du soulèvement de la nation contre l’artiste qui lui apportait des lumières nouvelles et de nouveaux plaisirs ".
La petite histoire raconte que Pellegrin, doutant des capacités de Rameau,  aurait demandé au musicien une caution de 500 livres, mais qu’entendant les premières représentations privées, il aurait déchiré le billet, déclarant qu’un tel musicien n’avait pas besoin de caution.

Jean-Sébastien Mercier rapporte cette anecdote :

Un prince ayant nommé pour son aumônier l' abbé P. connu par ses nombreuses et intéressantes productions, lui dit à sa première audience :
- M. l' abbé, vous voulez donc être mon aumônier ; mais sachez que je n'entends point de messes.
- Et moi, monseigneur, je n'en dis point.

 

Pièces pour le théâtre.

Polydore, tragédie, 1705.
La Mort d’Ulysse, tragédie, 1706. Il reprit le sujet pour la scène lyrique dans Télégone.
La Mort de César, tragédie, 1709, publiée sous le nom de Mademoiselle Barbier, sa collaboratrice.

Livrets pour le Théâtre lyrique.

Télémaque et Calypso, 1704, musique de Destouches
Renaud, tragédie, 1705, musique de Desmarest.
Médée et Jason, tragédie lyrique, publiée sous le pseudonyme de De la Roque, 1713, musique de Salomon.
Le Jugement de Pâris, pastorale héroïque, publiée sous le nom de Mademoiselle Barbier, 1718.
Les Plaisirs de la campagne, ballet, 1719, musique de Bertin.
Polydore, tragédie lyrique, 1720, musique de Stück.
Télégone, tragédie lyrique, 1725, musique de La Coste
La Princesse d’Elide, ballet héroïque, trois actes + prologue, 1728, musique de Villeneuve.
Jephté, tragédie lyrique tirée de l’Ecriture Sainte, 1732, musique de Montéclair.
Hippolyte et Aricie, tragédie lyrique, 1733, musique de Rameau.
Les Caractères de l'Amour, ballet, 1738, musique de Colin de Blamont.
Les Fêtes d’Hébé, opéra-ballet (avec Gautier de Montdorge et Bernard), 1739, musique de Rameau.

(La liste n'est pas exhaustive.)


Chronologie et discographie des Ballets et Opéras français
French operas and ballets Chronology and Discography

JEPHTE, seul.
Qu’ai-je entendu ? tout fuit, tout est glacé d’effroi !
Seigneur, arme mon bras de ton pouvoir suprême ;
Il en va de ta gloire même ;
Jephté ne combat que pour toi.
Eh quoi ? diraient enfin ces peuples de la terre,
Chez qui ton nom terrible est cent fois parvenu,
Ce Dieu si grand, ce Dieu plus craint que le tonnerre,
Ce Dieu des autres Dieux, qu’est-il donc devenu ?
Mais tu n’as point changé ; c’est ton Peuple qui change ;
J’apprends que sous tes lois à regret il se ronge ;
Et tu seras apaisé ;
Ce n’est que par du sang qu’il faut que je te venge
Du sang que l’on t’a refusé.
Dieu d’Israël, Dieu que j’adore,
Ton zèle en ce moment m’embrase, me dévore.
Grand Dieu ! sois attentif au serment que je fais.
Contre tes Ennemis, si je soutiens ta gloire,
Le premier qu’à mes yeux offrira mon palais,
Sera sur tes autels le prix de ma victoire :
Je jure de te l’immoler ;
C’est à toi de choisir le sang qui doit couler.

Jephté.

 

ALMASIE, à Iphise.
Le voilà donc ce sort funeste
Q’un songe m’a fait pressentir !
La foudre que j’ai vue partir,
M’annonçait le courroux céleste.
Par le grand-Prêtre et par Jephté,
L’Éternel, à mes yeux, vient d’être consulté.
Que d’horreurs à la fois ! je tremble à te le dire :
Le Ciel gronde ; l’autel que je vois s’ébranler,
Semble se refuser au sang qui doit couler ;
Le voile sacré se déchire ;
Le grand-Prêtre, saisi d’effroi,
Jette un sombre regard sur ton Père et sur moi ;
Vers l’Arche redoutable, en tremblant, il s’avance ;
Il l’interroge sur ton sort ;
L’Arche garde un triste silence ;
Et ce silence est l’arrêt de ta mort.

Jephté.

PHEDRE.
Ah ! Cesse par tes vœux d’allumer le tonnerre.
Éclate ; éveille-toi ; sort d’un honteux repos ;
Rends-toi digne d’un héros,
Qui de monstres sans nombre a délivré la terre ;
Il n’en est échappé qu’un seul à sa fureur ;
Frappe ! Ce monstre est dans mon cœur.

Hippolyte et Aricie.