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Esther
(cantate)
Par
la souveraine Sagesse
Esther fut amenée au trône des Persans ;
Seule, par ses charmes puissans
Du coeur d'Assuerus elle avoit la tendresse.
Mais que luy sert l'éclat d'un si haut rang,
Dans ce moment fatal quel danger la menace ?
Elle apprend que des Juifs on a proscrit la race,
Et le fer dans dix jours doit verser tout leur sang.
Ah,
quelle affreuse image
Se trace à ses esprits !
Que de pleurs ! que de cris !
Quel horrible carnage !
Le barbare courroux
Opprime l'innocence ;
La Vieillesse & l'Enfance
Expriment sous ses coups :
Ciel ! prenez leur deffense,
Les abandonnez-vous ?
De
votre Epoux, Esther, il faut chercher l'appuy.
Mais vous tremblez ? du Temeraire
Qui sans son ordre ose approcher de luy
Le trépas est le prompt salaire.
Eh
quoy, n'osez-vous faire un généreux effort ?
C'en est fait. Elle part, et le ciel la rassure.
En vain de sa vertu se trouble la Nature,
Elle va pour les juifs s'exposer à la mort.
Elle
approche, à l'aspect du trône redoutable
Elle tombe, et d'effroy son coeur se sent glacer ;
Mais son Epoux touché du trouble qui l'accable,
Luy fait grâce, et vient l'embrasser.
Venez,
bannissez ces allarmes,
Et ranimez-vous à ma voix ;
Esther, vos vertus et vos charmes
Vous ont mise au dessus des Loix.
Ecoutez mon coeur qui soupire,
Partagez-en la vive ardeur ;
De la moitié de mon Empire,
Je voudrais payer ce bonheur.
Ainsi
devant son Maître, Esther a trouvé gâce,
La fortune des Juifs bientôt change de face,
Et le perfide Aman de leur sang altéré
Eprouve avec la mort qui punit son audace
L'affront qu'à l'Innocent il avoit préparé.
Souvent
la vérité timide
Du trône n'ose s'approcher ;
Si vous voulez qu'elle vous guide,
Roys, c'est à vous de la chercher ;
Chassez le mensonge perfide,
Qui l'oblige de se cacher.
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Antoine
Houdar de la Motte est né à Paris le 17 janvier 1762. Après
avoir fait ses humanités, il commença des études de droit qu'il
abandonna rapidement pour entrer dans les ordres. Après un séjour
au monastère de la Trappes, qui lui permit de se rendre compte
que là n'était pas sa vocation, il revint à Paris où il commença
la carrière d'auteur dramatique et de librettiste à succès que
l'on connaît. Il s'illustra dans tous les genres littéraires,
du théâtre à l'opéra. Il écrivit également les textes des cantates
bibliques qu'Elizabeth Jacquet de la Guerre mit en musique (en
1708 : Esther, Le Passage de la Mer Rouge, Jacob
et Rachel, Jonas, Suzanne, Judith,
et en 1711, Adam, Le Temple rebasti, Le Déluge,
Joseph, Jephté et Samson).
En 1710, il fut élu à l'Académie Française. Il mourut à Paris
le 8 janvier 1731.
Au
point de vue littéraire, ce qu'il faut retenir de la carrière
et de l'oeuvre de la Motte ce sont les libertés prises vis à
vis des traditions et des règles préexistantes. Libertés prises
avec l'Illiade d'Homère, et dont l'adaptation qu'il en
fit reçut nombre de critiques et initia la querelle des Anciens
et des Modernes, dont il apparut comme le chef de file .
Libertés prises également vis à vis des règles de la tragédie
classique qu'Houdar n'hésita pas à renverser au nom de la vraisemblance.
Il fallait, pensait-il, offrir au public des textes qu'il
comprît et auxquels il pût croire, et la vraisemblance et la
logique dramatique devaient toujours primer sur la règle. Le
texte ci-contre, tiré de ses Réflexions sur la critique, illustre
sa pensée.
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L'Iliade
d'Homere, que bien des gens connoissent plus de réputation que
par elle-même, m'a paru mériter d' être mise en vers françois,
pour amuser la curiosité de ceux qui ne sçavent pas la langue
originale. Pour cela j'interroge Homere ; c' est-à-dire que je
lis son ouvrage avec attention ; et persuadé en le lisant que
rien n' est parfait, et que les fautes sont inséparables de l'humanité,
je suis en garde contre la prévention, afin de ne pas confondre
les beautez et les fautes. Je crois sentir ensuite que les dieux
et les heros, tels qu'ils sont dans le poëme grec, ne seroient
pas de nôtre goût ; que beaucoup d'épisodes paroîtroient trop
longs ; que les harangues des combattans seroient jugées hors
d' oeuvre, et que le bouclier d'Achille paroîtroit confus, et
déraisonnablement merveilleux. Plus je médite ces sentiments,
plus je m' y confirme ; et après y avoir pensé autant que l' éxige
le respect qu' on doit au public, je me propose de changer, de
retrancher, d' inventer même dans le besoin ; de faire enfin selon
ma portée, tout ce que je m'imagine qu' Homere eût fait, s'il
avoit eu affaire à mon siécle.
La Motte, Réflexions sur la critique.
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A propos des règles
de la tragédie, in Discours préliminaire :
Je ne prétends donc pas
anéantir ces règles ; je veux dire seulement qu'il ne faudrait
pas s'y attacher avec assez de superstition, pour ne les pas sacrifier
dans le besoin à des beautés plus essentielles.
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Plusieurs
des oeuvres, notamment les textes théoriques sont disponibles
sur le site de la Bibliothèque de France
http://gallica.bnf.fr/
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Les
Pièces de théâtre
- La
Matrone d'Ephèse, comédie, un acte, prose, 1702.
- Les Trois Gascons, comédie, un acte, prose, 1702.
- Le Port de mer, comédie, un acte, prose, 1704.
- Les Macchabées, tragédie, 1721
- Romulus, tragédie, 1722
- Inès de Castro, tragédie, 1723
- Oedipe, tragédie, 1726
- Le Talisman, comédie, 1726
- Richard Minutolo, comédie, un acte, prose.
- Le Magnifique, comédie, deux actes, prose.
(Le Talisman, Richard Minutolo et Le Magnifique furent rassemblées
et données en 1731 sous le titre de L'Italie galante ou
Les Contes.)
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Les écrits théoriques.
Réflexions sur la critique,
1716.
Discours sur la Poésie
Discours sur la Tragédie
Discours sur Homère
Les Oeuvres
complètes de La Motte ont été rassemblées et publiées en 10 volumes
par les éditions Prault l'ainé en 1754 et réimprimée en 1970 par
Slatkine.
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Livrets pour le théâtre
lyrique
- L'Europe
galante, opéra ballet, quatre entrées & prologue, 1697,
(Campra)
- Issé, pastorale héroïque, trois actes & prologue,
1697 ; remise en cinq actes en 1708, (Destouches)
- Amadis de Grèce, tragédie lyrique, cinq actes &
prologue, 1699, (Destouches)
- Marthésie, Reine des Amazones, tragédie lyrique,
cinq actes & prologue, 1699, (Destouches)
- Le Triomphe des Arts, opéra-ballet, cinq entrées,
1700 (La Barre)
- Canente, tragédie lyrique, cinq actes & prologue,
1700, (Collasse & Dauvergne)
- Omphale, tragédie lyrique, cinq actes & prologue,
1701, (Destouches)
- Le Carnaval & la Folie, comédie-ballet, quatre
actes & prologue, 1704 (Destouches)
- La Vénitienne, comédie-ballet, trois actes &
1706, (La Barre)
- Alcyone, tragédie lyrique, cinq actes & prologue,
1706, (Marais)
- Sémélé, tragédie lyrique, cinq actes & prologue,
1709, (Marais)
- Le Ballet des Âges, comédie-ballet, 1731, (mis en
musique en 1735 par Dauvergne)
- Scanderberg, tragédie lyrique, cinq actes et prologue
- livret laissé inachevé et terminé par Jacques de La Serre (prologue
et cinquième acte), 1731, (mis en musique en 1735 par Rebel et
Francoeur)
- Titon et l'Aurore, pastorale héroïque (On pense
qu'il est l'auteur du prologue - on attribue les trois actes à
l'abbé de la Marre, mais sans certitude)
- Les Fées, comédie-ballet, (mise en musique en 1737
par La Barre)
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Chronologie et discographie
des Ballets et Opéras français
French operas and ballets Chronology and Discography
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