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Acteurs
du Prologue
TMOLE.
APOLLON.
LES MUSES.
PAN
Troupe de FAUNES & de DRYADES.
Troupe de BERGERS, BERGÈRES, & de PÂTRES.
UNE BERGÈRE.
Acteurs de la Tragédie
CEIX, Roi de Trachines.
ALCYONE, Fille d'Eole,
PELÉE, Ami de Ceix.
PHORBAS, Magicien.
ISMÈNE, Magicienne.
DORIS & CÉPHISE, Confidentes d'Alcyone.
LE GRAND PRÊTRE de l'Hymen.
CHEF de Matelots,
UN MATELOT
UNE MATELOTE,
LA PRÊTRESSE de Junon.
LE SOMMEIL.
PHOSPHORE, Père de Ceix.
NEPTUNE.
SUITE de Ceix, & d'Alcyone.
UN SUIVANT DE CEIX.
SUITE du Prêtre de l'Hymen.
TROUPE de Magiciens, & de Magiciennes.
TROUPE de Matelots.
TROUPE de Zéphirs, & de Songes.
TROUPE de Divinités de la Mer.
La
scène est à Trachines.
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Prologue
Le
Théâtre représente le Mont-Tmole. Des Fleuves & des Naïades
appuyées sur leurs Urnes, occupent la Montagne, & forment
une espèce de cascade.
TMOLE.
Apollon & le Dieu des des Bois
Vont disputer ici pour le prix de la voix.
Les Naïades viennent s'y rendre :
J'y vois déjà couler mille nouvelles eaux ;
Des forêts d'alentour les amoureux Oiseaux
S'y assemblent pour les entendre.
Écho, tu sais déjà
tous les chants de ces Dieux ;
Pour les entendre encor, cache-toi dans ces lieux.
(Pan
vient d'un côté avec une troupe de Faunes & de Dryades, qui
vont se placer en dansant au bas de la Montagne. Apollon vient
de l'autre côté avec ses Muses.)
TMOLE.
Commencez un combat à jamais mémorable.
Je dois, par votre choix, couronner le Vainqueur ;
Je vais mériter cet honneur,
Par un jugement équitable.
PAN,
commence la dispute & chante la Guerre.
Fuyez, Mortels, fuyez un indige repos ;
Non, ne vous plaignez plus des horreurs de la guerre,
Elle vous donne les Héros,
Elle fait les Dieux de la Terre.
Courrez affronter
le trépas,
Allez jouir de la Victoire ;
Sur son front couronné, qu'elle étale d'appas !
L'affreuse Mort qui vole au-devant de ses pas
Fait naître l'immortelle Gloire.
APOLLON chante
la Paix, et l'Echo lui répond.
Aimable Paix, c'est toi que célèbrent mes chants !
Descend, viens triompher du fier Dieu de la Thrace ;
Tout rit à ton retour, tout brille dans nos champs,
Dès que tu disparais, tout l'éclat s'en efface.
Règne, Fille du Ciel,
mets la Discorde aux fers ;
Que le bruit des tambours, dont la Terre s'alarme,
Nos trouble plus nos doux concerts.
Heureux, heureux cent fois le Vainqueur qui ne s'arme,
Que pour te rendre à l'Univers.
CHŒUR des MUSES, des
FLEUVES,
& des NAïADES.
Règne, Fille du Ciel, mets la Discorde aux fers ;
Heureux, heureux cent fois le Vainqueur qui ne s'arme,
Que pour te rendre à l'Univers.
TMOLE à
Pan.
A vos chants immortels, quel coeur n'est pas sensible ?
Mais les siens plus puissants m'ont encore plus flatté :
J'ai cru Pan invincible,
Tant qu'Apollon n'a pas chanté.
PAN.
Puisqu'à la faible voix vous vous laissez surprendre ;
Non, vous n'entendrez plus mes chants harmonieux :
Je vais chercher ailleurs des Dieux,
Qui soient plus dignes de m'entendre.
(Il
se retire avec ses Faunes.)
APOLLON.
Accourez, Habitants de ces proches Bocages,
Bientôt la Paix va revoir ce séjour ;
Venez en goûter les présages,
Et préparez ici vos jeux pour son retour.
(Une
troupe de Bergers, & de Bergères témoignent leur joie de ce
que prédit Apollon.)
UNE BERGÈRE.
Le doux Printemps ne paraît point sans Flore,
L'aimable Paix ne vient point sans l'Amour :
Dans ce beau séjour
Que d'ardeurs vont éclore !
L'Amour, & la Paix
Se prêtent mille attraits.
(On
danse.)
LA BERGÈRE & LE
CHŒUR, alternativement.
Pour nos hameaux quitte Cythère ;
Charmant Amour, garde-nous tes faveurs,
Fais-nous aimer de qui saura nous plaire,
D'un seul trait blesse toujours deux coeurs.
APOLLON.
Qu'un spectacle charmant signale ma victoire,
Muses, des Alcyons renouvelez l'histoire.
A l'onde soulevée, ils rendent le repos,
Et des vents en fureur, ils terminent la guerre :
Puisse régner sur la terre
La Paix qu'ils rendent aux flots !
CHŒUR.
A l'onde soulevée, ils rendent le repos,
Et des vents en fureur ils terminent la guerre :
Puisse régner sur la terre
La paix qu'ils rendent aux flots !
FIN DU PROLOGUE.
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Alcyone
ACTE
PREMIER.
Le Théâtre représente
une Galerie du Palais de Ceix, terminée par un endroit du Palais
consacré aux Dieux.
Scène Première.
PÉLÉE, PHORBAS.
PHORBAS.
Vous voyez le Palais où l'hymen d'Alcyone
Va combler le désir de votre heureux Rival :
Déjà la pompe s'en ordonne
Et le moment approche...
PÉLÉE.
Ah ! quel moment fatal !
PHORBAS.
Seigneur, il faut troubler cette odieuse fête ;
Tout l'enfer conjuré m'a promis son secours :
Et ce jour qu'il ont crû le plus beau de leurs jours
Va bientôt devenir...
PÉLÉE.
Arrête.
Tu sais ce que je dois au Roi,
Banni de ma patrie, & teint du sang d'un Frère,
Funeste objet des fureurs d'une Mère :
Lui seul à sa vengeance, il s'exposa pour moi.
Sa cour
fut mon unique asile,
Alcyone à ses jours allait unir son sort.
Dieux ! je ne pus la voir avec un coeur tranquille ;
Vertu, gloire, raison, tout me fut inutile,
Mon amour combattu n'en devint que plus fort.
Un monstre
que la mer vomit, contre mon crime
Suspendit cet hymen dont j'étais si jaloux ;
Et ce peuple en serait encore la victime,
S'il n'était tombé sous mes coups.
PHORBAS.
Laissez-moi ranimer ce monstre redoutable ;
Qu'il rompe encor de si funestes noeuds.
PÉLÉE.
Non, ne me rends point coupable,
Non, laisse-moi mourir, laisse-les vivre heureux.
Abandonne
mon coeur au feu qui le consume,
D'un hymen que je crains, pourquoi me garantir ?
C'est par moi qu'aujourd'hui son flambeau se rallume,
Je ne veux point m'en repentir.
Trop malheureux
Pélée, hélas ! quelle est ta peine ?
Je ne me connais plus, & mon âme incertaine
Forme au même instant mille voeux opposés.
Trop malheureux Pélée, hélas ! quelle est ta peine ?
PHORBAS.
J'oserai plus pour vous, Seigneur, que vous n'osez.
C'est assez
répandre de larmes,
Et votre coeur n'a que trop combattu ;
Ismène, & moi, nous allons par nos charmes
Secourir votre amour contre votre vertu.
PÉLÉE.
Arrête... on vient. O Ciel ! à quoi me réduis-tu ?

Scène Deuxième.
ALCYONE, CEIX,
Troupe d'ÉOLIENNES, & de Suivants de Ceix,
PÉLÉE, CÉPHISE, & DORIS.
CHŒUR.
Aimez, aimez-vous sans alarmes,
Que vos voeux sont charmants, que vos liens sont doux !
L'Hyménée, & l'Amour vous prodiguent leur charmes,
Tendres Amants, soyez heureux Époux.
ALCYONE & CEIX.
Aimons, aimons-nous sans alarmes,
Que nos feux sont charmants, que nos liens sont doux !
CHŒUR.
L'Hyménée & l'Amour vous prodiguent leurs charmes,
Tendres Amants, soyez heureux Époux.
CEIX à Pélée.
Partage, cher Ami, les transports de mon âme ;
L'Hymen va me livret l'objet de tous mes soins ;
Et rien ne manque au bonheur de ma flamme ;
Puisque tes yeux en sont témoins.
Que ne puis-je te
voir plus heureux que moi-même !
PÉLÉE.
Est-il un sort plus doux ? Alcyone vous aime.
ALCYONE.
Du plus ardent amour mon coeur est enflammé,
Je me plais de brûler des feux qu'il a fait naître,
Il n'est point d'amant plus aimé,
Ni d'amant plus digne de l'être.
PÉLÉE.
Infortuné !
CEIX.
D'où naissent ces soupirs ?
PÉLÉE.
Que les maux qu'en ces lieux a causé ma présence,
Ont coûté cher à vos désirs !
Que vous avez souffert d'une injuste vengeance.
ALCYONE & CEIX.
Oubliez nos malheurs, partagez nos plaisirs.
CEIX à Pélée.
Ah ! que ton coeur n'est-il plus tendre,
Pour juger du bonheur qui va combler mes voeux ?
C'est l'Amour seul qui peut faire comprendre
Les plaisirs d'un Amant heureux.
(Pélée
dit seul les quatre vers suivants.)
ALCYONE, CEIX &
PÉLÉE.
Que rien ne trouble plus une flamme si belle.
PÉLÉE / A. & C. : Ah ! que
votre/notre chaîne a d'attrait !
Qu'elle dure à jamais,
PÉLÉE/ A. & C. : Et vous/nous
semble toujours nouvelle !
ALCYONE.
Chantez, chantez, faites entendre
Les accords les plus doux, les sons les plus touchants ;
Par vos plus tendres chants,
Célébrez l'amour le plus tendre.
LE CHŒUR.
Que rien ne trouble, &c.
(Les
Éoliennes, & les Suivants de Ceix forment le Divertissement.)
Un SUIVANT de Ceix,
alternativement avec le Choeur.
Que vos désirs
Puissent toujours renaître !
Par les plaisirs
Votre flamme doit croître.
Qu'à nos amours
L'Hymen serait à craindre
Si son secours
Servait à les éteindre ?
Serrez les noeuds
D'une chaîne si belle ;
Que l'amour heureux
N'en soit que plus fidèle.
CÉPHISE & DORIS,
à qui le Choeur répond.
Dans ces lieux, Amour, tu nous ramènes
Les Plaisirs, les Grâces, & les Ris :
C'est après des rigueurs
inhumaines,
Que tes dons sont cent fois plus chéris ;
Qu'il est doux d'avoir souffert tes peines,
Quand tu viens nous en donner le prix !

Scène Troisième.
ALCYONE, PÉLÉE, CEIX?
& le GRAND PRÊTRE de l'Hymen qui paraît
avec sa Suite, portant des flambeaux ornés de guirlandes.
CEIX.
On approche : cessez, & qu'un profond silence
Des Prêtres de l'Hymen honore la présence.
PÉLÉE, à part.
Ciel ! leur hymen va s'achever !
De ce spectacle affreux, ô Mort ! viens me sauver !
LE GRAND PRÊTRE.
Le flambeau de l'Amour n'a fait naître en votre âme
Que l'espérance, & les désirs.
Le flambeau de l'Hymen va par sa douce flamme
Y faire régner les plaisirs.
Venez, venez, au nom
de la Troupe immortelle,
Vous jurer l'un à l'autre une ardeur éternelle.
ALCYONE
& CEIX.
Écoutez nos serments, Arbitres des Humains.
Vous, qui pour punir le parjure,
Tenez la Foudre dans vos mains ;
Vous, qu'en tremblant adore la Nature,
Maîtres des Dieux...
ALCYONE,
CEIX, & le GRAND PRÊTRE.
Quel bruit ! Quels terribles éclats !
L'Air s'allume ! le Ciel fait gronder son tonnerre !
Quel gouffre affreux s'est ouvert sous nos pas !
Tout l'Enfer en courroux sort du sein de la Terre !
(Des Furies
sortent des Enfers, saisissent en volant les flambeaux de l'Hymen
dans les mains des Prêtres, & embrasent tout le Palais.)
LE GRAND
PRÊTRE.
Fuyez ! à votre hymen le Ciel ne consent pas.
CHŒUR.
Quel embrasement ! quel ravage !
Dieux ! injustes Dieux ! quelle horreur !
Laissez-nous du moins un passage ;
Laissez-nous fuir votre fureur.
FIN DU
PREMIER ACTE.
|
ACTE
SECOND.
Le
Théâtre représente une solitude affreuse, & l'entrée de l'Antre
de Phorbas, & d'Ismène.
Scène Première.
PHORBAS, ISMÈNE.
ISMÈNE.
Le Roi dans ces lieux va se rendre ;
Il a cru que le Ciel traversait son bonheur ;
Et c'est par nous qu'il veut apprendre
S'il ne peut de son sort adoucir la rigueur.
PHORBAS.
Pour le troubler encor, unissons-nous, Ismène ;
C'est moi qui vous appris mon Art mystérieux :
Il faut servir Pélée, il faut servir ma haine
Contre un Prince qui règne où régnaient mes Aïeux ;
Mais il vient ;
cachons-nous un moment à ses yeux.

Scène Deuxième.
CEIX sans apercevoir
PHORBAS, & ISMÈNE.
CEIX.
Dieux cruels, punissez ma rage, & mes murmures,
Frappez, Dieux inhumains, comblez votre rigueur ;
Vous plaisez-vous à voir dans mes injures
L'excès du désespoir où vous livrez mon coeur ?
Je touchais au moment
où la beauté que j'aime,
M'eût rendu plus heureux que vous ;
D'un extrême bonheur, Dieux ! vous étiez jaloux.
Et vous vous vengez par un supplice extrême ;
Mes maux sont aussi grands, que mon espoir fut doux.
Dieux cruels, punissez
ma rage, & mes murmures,
Frappez, Dieux inhumains, comblez votre rigueur ;
Vous plaisez-vous à voir dans mes injures
L'excès du désespoir où vous livrez mon coeur ?
(Il
aperçoit Phorbas et Ismène qui s'approchent.)
PHORBAS.
Que ne renoncez-vous à l'hymen d'Alcyone ?
Le Ciel vous le défend, pourquoi lui résister ?
CEIX.
Les Dieux ont vainement troublé mon espérance,
Je sens à chaque instant mon amour s'augmenter ;
Et si cet amour les offense,
Je me plais à les irriter.
ISMÈNE.
Oubliez la fille d'Éole,
Il est d'autres Beautés dignes de vos ardeurs ;
L'Amour même consent que la Raison s'immole,
Quand il nous coûte trop de pleurs.
CEIX.
Pour Alcyone, hélas ! puis-je être moins sensible ?
Non, vos conseils sont superflus :
Le malheur que j'éprouve est encor moins terrible,
Que celui de ne l'aimer plus.
ISMÈNE.
Quittez de trop cruelles chaînes,
Ne formez que d'heureux désirs ;
C'est offenser l'Amour, que d'en chercher les peines,
Il ne veut servir qu'aux plaisirs.
CEIX.
Ne vous opposez point à mon impatience.
Cruels, par votre résistance
Voulez-vous aussi me trahir ?
PHORBAS, & ISMÈNE.
Vous êtes notre Roi, c'est à nous d'obéir.
Vous, dont les mystères
affreux
Pour soumettre l'Enfer sont d'invincibles armes,
Quittez vos antres ténébreux,
Venez vous unir à nos charmes.
Accourez, hâtez-vous,
Notre voix vous appelle ;
Accourez, signalez pour nous
Votre pouvoir, & votre zèle.
CHŒUR de Magiciens,
& de Magiciennes.
Éprouvez notre ardeur fidèle ;
Parlez, commandez-nous,
Nous allons signaler pour vous
Notre pouvoir, & notre zèle.
PHORBAS.
Pour servir votre Roi, redoublez votre effort.
Forcez, forcez l'Enfer à m'apprendre son sort.
CHŒUR.
Sortez, Démons, sortez ; que tout ici ressente
L'horreur et l'épouvante.
PHORBAS.
Transportez l'Enfer en ces lieux,
Offrez-nous-en du moins la terrible apparence ;
A nos sens effrayés, faites voir tous les Dieux,
Dont nous voulons implorer l'assistance.
(Le
Choeur répète les six vers ci-dessus.)

Scène Quatrième.
Le
Théâtre devient une image de l'Enfer : On y voit au fond
Pluton & Proserpine assis sur leur Trône ; d'un côté
les Fleuves des Enfers appuyés sur leurs Urnes ; & de
l'autre les Parques.
Les Magiciens commencent leur Cérémonies.
CEIX, ISMÈNE, PHORBAS,
CHŒUR DE MAGICIENS.
PHORBAS.
Sévère fille de Cérès,
Et toi, des sombres bords formidable Monarque,
Vous à qui la fatale barque
Amène à chaque instant mille nouveaux sujets,
Ecoutez-nous, Dieux redoutables ;
Que nos voeux, que nos cris trouvent favorables !
ISMÈNE.
O vous, des lois du Sort
Ministres inflexibles,
Puissantes Parques, Soeurs terribles,
Qui tenez dans vos mains, & la vie, & la mort,
Écoutez-nous, Dieux redoutables,
Que nos voeux, que nos cris vous trouvent favorables !
PHORBAS, ISMÈNE, &
LE CHOEUR.
Fleuves affreux, qui par vos noirs torrents
Défendez le retour des Royaumes funèbres,
Par les Manes plaintifs sur vos rives errants,
Par vos éternelles ténébres,
Par les serments des Dieux, dont vous êtes garants,
Écoutez-nous, Dieux redoutables ;
Que nos voeux, que nos cris vous trouvent favorables !
(Les
Magiciens, & les Magiciennes continuent leurs Cérémonies.)
PHORBAS.
Nos voeux sont écoutés dans les Royaumes sombres,
Chantons, chantons le Dieu des Ombres.
LE CHŒUR.
Que son terrible nom soit par tous célébré ;
Tremblez, Mortels, tremblez sous son pouvoir surpême :
Qu'il soit plus craint, plus révéré
Que celui de Jupiter même.
(Les
Magiciens, & les Magiciennes témoignent par de nouvelles Danses
leur joie de ce que l'Enfer les écoute.)
PHORBAS,
dans l'enthousiasme.
Une fureur soudaine a saisi mes esprits ;
Respectez le transport qui de mon coeur s'empare :
L'Avenir se dévoile à mes regards surpris,
Le secret du Sort se déclare.
Que vois-je
! où suis-je ! ô Ciel ! quels effroyables cris !
(
A Ceix.)
Infortuné,
tu perds l'Objet que tu chéris
Rien ne fléchit la Parque trop barbare :
Où t'entraîne l'Amour ? arrête... tu péris.
CEIX.
Qu'entends-je ! quel funeste Oracle !
PHORBAS.
Hâte-toi, cours chercher du secours à Claros,
Apollon à ton tort peu encor mettre obstacle ;
Il n'est permis qu'à lui d'assurer ton repos.
CEIX.
Dieux puissant, sauve au moins la Princesse que j'aime !
PHORBAS.
Pars, & cours l'implorer pour elle, & pour toi-même.
(Ceix
sort.)
PHORBAS
à ISMÈNE.
J'ai vu son sort ; son départ va hâter
Les malheurs qu'il croit éviter.
FIN
DU SECOND ACTE.
|
ACTE
TROISIÈME.
Le
Théâtre représente le port de Trachines, & un Vaisseau prêt
à partir.
Scène Première.
PÉLÉE.
O Mer, dont le calme infidèle
Attire les Humains sur tes perfides flots,
Hélas ! les Malheureux qu'a trompés ton repos
Ont mille fois gémi de ta fureur cruelle.
Par l'espoir trop
charmant de ses fausses douceurs,
L'Amour, comme toi nous engage,
Mais bientôt le trouble, & l'orage
Succèdent à l'espoir dont il flattait nos coeurs.
O Mer, dont le calme
infidèle
Attire les Humains sur tes perfides flots,
Hélas ! les Malheureux qu'a trompés ton repos
Ont mille fois gémi de ta fureur cruelle.

Scène Deuxième.
PÉLÉE, PHORBAS.
PHOBAS.
L'Amour vient de vous faire une faveur nouvelle,
Vous verrez Alcyone à vos voeux moins rebelle,
J'écarte le Rival dont son coeur est charmé.
PÉLÉE.
Hélas ! pour être éloigné d'elle,
Il n'en sera que plus aimé.
L'absence d'un Rival
flatte peu mes désirs,
Rien ne rendra mon sort moins déplorable,
Les maux de ce Rival m'arrachent des soupirs ;
Je ne puis à la fois être heureux, & coupable.
Non, pour un coeur
que le remord accable
Les faveurs de l'Amour ne sont plus des plaisirs.
PHORBAS.
Contraignez-vous, on vient. Cette troupe s'apprête
Pour conduire Ceix au Temple de Claros,
Et vient ici par une fête
Implorer la faveur du Souverain des flots.

Scène Troisième.
PÉLÉE, LE CHEF DES
MATELOTS?
Troupe de MATELOTS.
CHŒUR.
Régnez, Zéphirs, régnez sur la liquide plaine ;
Qu'en ses prisons Éole enchaîne
Les terribles Tyrans des airs !
LE CHEF DES MATELOTS.
Toi qui tiens dans tes mains le Trident redoutable,
Ne permets qu'au Vent favorable
De troubler le repos des mers.
LE CHŒUR.
Régnez, Zéphirs, régnez sur la liquide plaine ;
Qu'en tes prisons Éole enchaîne
Les terribles Tyrans des airs !
(On
danse.)
UN MATELOT.
Amant malheureux,
Si mille écueils fâcheux
Troublent vos voeux,
Le désespoir est le plus dangereux.
Quelque vent qui gronde,
L'Amour calme l'onde :
Peut-on perdre l'espoir
Quand on connaît son pouvoir.
(On
danse.)
UNE MATELOTE.
Pourquoi craignons-nous
Que l'Amour ne nous engage !
Si c'est un orage
Le calme est moins doux.
Suivons nos désirs,
Après quelques soupirs
On arrive aux plaisirs.
Pourquoi perdre un jour ?
Mettons à la voile :
Nous avons pour étoile
Le flambeau de l'Amour.
(On
danse.)
(Les
Matelots montent sur le Vaisseau.)

Scène Quatrième.
ALCIONE, CEIX, PÉLÉE.
ALCIONE.
Quoi, les soupirs & les pleurs d'Alcyone
Ne pourront-ils vous arrêter ?
Vous partez !
CEIX.
L'Amour me l'ordonne.
ALCYONE.
Quoi ! vous m'aimez, & vous m'allez quitter ?
CEIX.
Je tremble pour vos jours, & mon unique envie
Est d'écarter les maux qu'on m'a fait redouter.
ALCYONE.
Hélas ! vous tremblez pour ma vie,
Et par votre départ vous allez me l'ôter.
Mon coeur à chaque
instant vous croira la victime
Des flots, & des vents en courroux :
Je connais l'ardeur qui m'anime ;
Je mourrai des dangers que je craindrai pour vous.
CEIX.
Ah ! plus dans cet amour mon coeur trouve de charmes,
Et plus je sens pour vous redoubler mes frayeurs :
L'aissez-moi sur vos jours dissiper mes alarmes,
Et ne craignez pour moi que vos propres malheurs.
ALCYONE.
Consentez donc que je vous suive.
Si je cesse de voir l'Objet de mon amour,
Comment voulez-vous que je vive ?
CEIX.
Vivez avec l'espoir d'un doux & prompt retour.
C'est toi que j'en atteste,
Toi que suit le Soleil sur la voûte céleste ;
Astre éclatant, dont j'ai reçu le jour,
Je fais de la revoir ma plus chère espérance ;
Rien n'est égal à mon impatience,
Que mes craintes, & mon amour.
ALCYONE.
Vous partez donc, Cruel ! Dieux, je frémis, je tremble ;
Est-ce ainsi qu'à mes pleurs s'attendrit un Époux :
Laisse-moi par pitié, m'exposer avec vous,
Du moins, s'il faut souffrir, nous souffrirons ensemble.
CEIX.
Quoi ! je pourrais offrir au Sort
Ce moyen d'attenter à votre belle vie ?
Au nom des Dieux, perdez cette barbare envie.
ALCYONE.
Au nom de mon amour, ne hâtez point ma mort.
CEIX.
Amour infortuné !
ALCYONE.
Tendresse déplorable !
ENSEMBLE.
Qu'est devenu l'espoir qui séduisait nos coeurs ?
CEIX.
Dieux cruels !
ALCYONE.
Ciel impitoyable !
ENSEMBLE.
Ah ! Deviez-vous troubler de si tendres ardeurs ?
CEIX à Pélée.
Approche, cher Ami ; tu vois qu'un sort barbare
De l'Objet de mes voeux aujourd'hui me sépare.
Je confie en tes mains ce dépôt précieux.
ALCYONE.
Vous me désespérez !
CEIX à Pélée.
Console ce que j'aime.
Flatte son coeur tremblant, de la faveur des Dieux,
Et parle-lui surtout de mon amour extrême.
Adieu, chère Alcyone.
ALCYONE.
O funestes Adieux !
Vous m'abandonnez ?
CEIX.
Dans ces lieux.
Je vous laisse un Autre moi-même.
(à
Pélée.)
Prends soin d'adoucir
ses tourments.
Je t'en conjure encor par mes embrassements.
(Ceix
monte sur le Vaisseau,& part.)

Scène Cinquième.
ALCYONE, PÉLÉE.
ALCYONE.
Il fuit... il craint mes pleurs, ah ! cher Époux, arrête...
Ciel ! il ne m'entend plus, son vaisseau fend les mers.
Neptune, écarte la tempête,
Toi, mon père, retiens tous les Vents dans tes fers.
Hélas ! de ce vaisseau
que la fuite est soudaine !
Que son éloignement irrite mes douleurs !
Déjà mes yeux l'aperçoivent à peine ;
Je cesse de le voir... je meurs.
(Elle
tombe évanouie.)
PÉLÉE.
Que vois-je ? de ses sens elle a perdu l'usage.
Dieux ! n'est-ce pas assez d'avoir vu son amour ?
Me condamneriez-vous à souffrir davantage ?
Dois-je lui voir perdre les jours.
Alcyone, Alcyone !... en vain ma voix l'appelle.
Alcyone !... mes soins ne peuvent rien pour elle !
O trop heureux Rival, reviens la secourir !
Reviens, quand j'en devrais mourir.
Ah ! si j'ai
pu troubler une si belle flamme,
Que les Dieux m'en punissent bien !
Mille cruels transports s'emparent de mon âme,
Et je souffre à la fois leur malheur, & le mien.
Alcyone !
ALCYONE reprenant
ses sens, croyant entendre Ceix.
Ceix.
PÉLÉE.
Ah ! vous croyez encore
Entendre cette voix si chère à votre amour !
ALCYONE.
Je n'entends donc plus cet Amant que j'adore,
Eh ! pourquoi donc me rappeler au jour ?
PÉLÉE & ALCYONE.
Que j'éprouve un supplice horrible !
Ciel ne nous donnez-vous
Un coeur tendre et sensible
Que pour le mieux percer de vos funestes coups ?
FIN DU TROISIÈME
ACTE.
|
ACTE
QUATRIÈME.
Le
Théâtre représente le Temple de Junon.
Scène Première.
ALCYONE.
Amour, cruel Amour, sois touché de mes peines,
Écoute mes soupirs, & vois couler mes pleurs.
Depuis que je suis dans tes chaînes,
Tu m'as fait éprouver les plus affreux malheurs,
Le départ d'un Amant a comblé mes douleurs ;
Mais, malgré tant de maux, si tu me le ramènes,
Je te pardonne tes rigueurs.
Amour, cruel Amour,
sois touché de mes peines?
Écoute mes soupirs, & vois couler mes pleurs.

Scène Deuxième.
ALCYONE, CÉPHISE,
DORIS.
CÉPHISE.
On prépare le Sacrifice
Qu'en ces lieux à Junon vous volez faire offrir.
Espérez qu'à vos voeux elle sera propice ;
Tout le Ciel doit vous secourir.
ALCYONE.
Il se plait à me voir souffrir.
DORIS.
Vous reverrez bientôt l'Objet de votre flamme ;
Tout vous doit rendre un doux espoir.
Prévenez les plaisirs dont jouira votre âme ;
Goûtez celui de les prévoir.
ALCYONE.
Hélas ! loin de ce que j'adore
Mon coeur peut-il bannir la crainte & les soupirs ?
Les tendres coeurs tremblent encore,
Au milieu des plus doux plaisirs.
CÉPHISE.
L'Amour pour les âmes constantes
N'a pas d'éternelles rigueurs ;
Il ne diffère ses faveurs,
Que pour les rendre plus charmantes.
DORIS.
Le Destin tour à tour trouble & comble nos voeux ;
Son courroux n'est pas implacable :
Et l'instant le plus malheureux
Souvent touche au plus favorable.
ALCYONE.
Junon, je n'ai recours qu'à toi :
L'intérêt d'un Époux à tes Autels m'amène ;
Tu sais que de l'Hymen l'inviolable chaîne
A pour jamais engagé notre foi.
A briser ce lien rien ne peut me résoudre :
En vain le Ciel ne l'a pas approuvé :
Ce serment qu'a tantôt interrompu la foudre
Notre coeur l'avait achevé.
CÉPHISE.
A servir vos voeux tout s'empresse ;
Je vois avec sa suite approcher la prêtresse.

Scène Troisième.
ALCYONE, CÉPHISE,
DORIS,
LA PRÊTRESSE DE JUNON,
& le Suite de la Prêtresse.
PRÊTRESSE.
O toi, qui de l'Hymen défends les sacrés noeuds,
O Junon, puissante Déesse ;
Reçois notre encens, & nos voeux ;
Et jusqu'à ton trône ils s'élèvent sans cesse.
LE CHŒUR.
O toi, qui de l'Hymen défends les sacrés noeuds,
O Junon, puissante Déesse ;
Reçois notre encens, & nos voeux ;
Et jusqu'à ton trône ils s'élèvent sans cesse.
(Les
Prêtresses dansent autour de l'Autel & y jettent de l'encens
dans le feu.)
LA PRÊTRESSE.
Reine des Dieux, exauce nos souhaits.
LE CHŒUR.
Reine des Dieux, exauce nos souhaits.
LA PRÊTRESSE.
Commence leurs plaisirs, & termine leurs peines.
Aux maux qu'ils ont soufferts, égale tes bienfaits,
Unis des plus aimables chaînes,
Qu'ils jouissent par toi d'une éternelle paix.

Scène Quatrième.
LE SOMMEIL, LES SONGES,
ALCYONE.
LE SOMMEIL.
Volez, Songes, volez ; faites-lui voir l'orage
Qui dans ces mêmes instants lui ravit son Époux.
De l'onde soulevée, imitez le courroux,
Et des vents déchaînez l'impitoyable rage.
Toi qui sait des Mortels
emprunter tous les traits,
Morphée, à ses esprits offre une vaine image ;
Présente-lui Ceix dans l'horreur du naufrage,
Et qu'elle entende ses regrets.
Qu'en lui montrant
son sort, ce songe affreux l'engage
A ne plus perdre ici ses voeux, & son hommage.
(Les
Songes volent aux deux côtés du Théâtre, dont le fond se change
en une mer orageuse, où un vaisseau fait naufrage : les Songes
prennent la forme de Matelots qui périssent, ou qui pour se sauver
s'attachent à des débris ou à des rochers. Morphée paraît avec
eux sous la figure de Ceix.)
CHŒUR DE MATELOTS.
Ciel ! ô Ciel ! quel affreux Orage !
Rien ne peut plus nous secourir.
Ah ! quel désespoir ! quelle rage !
Malheureux ! nous allons périr.
MORPHÉE.
Ah ! je vous perds, chère Alcyone :
Hélas ! qu'allez-vous devenir ?
LE CHŒUR.
La Mer est en fureur, l'Air mugit? le Ciel tone !
Grands Dieux ! quelles frayeurs ! ô Mort, viens les
finir.
MORPHÉE.
Ah ! je vous perds, chère Alcyone !
LE CHŒUR.
Malheureux ! nous périssons tous !
MORPHÉE en se perdant
dans les flots.
Chère Épouse, mon coeur ne regrette que vous.
(La
Mer disparaît, & l'on revoit le Temple de Junon.)

Scène Cinquième.
ALCYONE.
Où suis-je, & qu'ai-je vu ! je perds ce que j'adore,
Tous les Vents à mes yeux ont soulevé les mers,
Ceix est englouti sous les flots entr'ouverts,
Je l'ai vu, je le vois encore !
De ses mats emportés,
il saisit les débris ;
Inutile secours, Ciel ! faut-il qu'il périsse ?
Il m'appelle, j'entends
ses cris,
Attend, attend... que l'onde avec toi m'engloutisse.
Que dis-je !
ma douleur a troublé ma raison,
Je ne me croyais plus au Temple de Junon.
Déesse, c'est donc
toi qui m'offre cette image,
Tu viens m'avertir de mon sort ;
Eh bien ! pour prix de mon hommage
Achève, donne-moi la mort.
Mais quoi ! de mon
amour Ceix est la victime,
Et ma douleur ne peut assurer mon trépas.
Il meurt, & je respire, ah ! ma vie est un crime
Que je ne pardonne pas.
Je descendrai bientôt
sur le rivage sombre,
Et mon dernier soupir va te prouver ma foi ;
Je sens que je n'ai plus, chère Ombre,
Qu'un moment à passer sans toi.
FIN DU QUATRIÈME
ACTE.
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ACTE
CINQUIÈME.
Le
Théâtre couvert des ombre de la nuit représente un endroit des
Jardins de Ceix, terminé par le Mer.
Scène Première.
ALCYONE, PÉLÉE, CÉPHISE,
DORIS.
ALCYONE.
Barbares, laissez-moi ; votre pitié m'offense,
Vous m'arrachez des mains le poison, & le fer ;
Laissez-moi, qu'à l'aspect de la cruelle Mer
J'aille chercher la mort, mon unique espérance.
PÉLÉE.
Les ombres de la nuit couvrent encor ces lieux ;
Que dans votre Palais la raison vous ramène.
Quand le Sommeil ferme ici tous les yeux,
Vous seule, par vos pleurs aigrissez votre peine.
ALCYONE.
Que n'en puis-je mourir ; j'en rendrais grâce aux Dieux !
PÉLÉE.
Pour un songe incertain, à quel excès s'engage...
ALCYONE.
Incertain ! quoi, les Dieux pour prix d'un humble hommage,
Voudraient-ils imposer aux crédules Humains ?
Non, votre doute les outrage,
Les malheurs que j'ai vus ne sont que trop certains.
Mais je connais aux pleurs que je vous vois répandre,
Que vous sentez le coup dont mon coeur a frémi ;
Quand je perds l'Amant le plus tendre
Vous perdez le plus tendre Ami.
PÉLÉE.
Hélas !
ALCYONE.
Par mille soins il vous l'a fait connaître ;
De ses Etats il vous laissait le maître,
Il m'a même en partant confiée en vos mains.
Nous partageons son coeur.
PÉLÉE.
Reproches Inhumains !
Je sens à chaque mot que je ne suis qu'un Traître.
ALCYONE.
Vous, un Traître !
PÉLÉE.
Apprenez un criminel amour.
Malgré moi vos appas avaient séduit mon âme,
Et malgré moi, Phorbas a servi cette flamme ;
C'est par lui que Ceix a quitté ce séjour,
Il l'éloignait pour moi.
ALCYONE.
Dieux ! que viens-je d'entendre !
PÉLÉE.
Vengez-vous ; punissez de coupables transports ;
Vengez une amitié trop tendre ;
Délivrez-moi de mes remords.
(Il
se jette aux genoux d'Alcyone.)
Je recevrai la mort
comme un bonheur suprême ;
Que ce fer arme votre bras,
Et soulagez par le trépas
Un coeur qui s'abhorre lui-même.
(Il
offre son épée à Alcyone, qui la saisit, & veut s'en frapper
elle-même.)
ALCYONE.
Eh bien, si vous m'aimez, ma mort va vous punir.
PÉLÉE, CÉPHISE, &
DORIS.
Arrêtez, arrêtez.
ALCYONE.
Pourquoi me retenir ?

Scène Deuxième.
PHOSPHORE,
dans son étoile.
ALCYONE, PÉLÉE, CÉPHISE,
DORIS.
PÉLÉE.
Quel Dieu descend ici ? quel Astre nous éclaire ?
ALCYONE.
Du malheureux Ceix, je reconnais le Père.
PHOSPHORE, à Alcyone.
Ce que le sort m'apprend doit calmer tes alarmes ;
Alcyone, le Ciel va te rendre mon Fils ;
Aujourd'hui, pour prix de tes larmes,
Vous devez sur ces bords être à jamais unis.
(Phosphore
remonte au Ciel, & les ombres de la nuit se dissipent.)

Scène Troisième.
ALCYONE, PÉLÉE, CÉPHISE,
DORIS.
ALCYONE.
Qu'ai-je entendu ? grands Dieux ! croirai-je cet Oracle
?
PÉLÉE.
L'Hymen, pour vous unir n'attend plus que le jour.
Vous allez être heureux, & ce cruel spectacle
Va me punir de mon amour.
Mais non, ne voyons
plus les lieux où l'on m'abhorre.
Fuyons : pardonnez-moi le feu qui me dévore,
Je vais loin de vos yeux expier mes désirs ;
Je vais percer ce Coeur qui vous adore,
Et je meurs : trop heureux encore
Si le Ciel à mes maux égale vos plaisirs.
(Il
sort.)
ALCYONE.
C'est l'Ami de Ceix ; Ciel ! c'est pour lui que je t'implore.

Scène Quatrième.
ALCYONE, CÉPHISE,
DORIS.
ALCYONE.
Régnez, Aurore, à votre tour,
Des cieux qu'elle a voilés, chassez la nuit affreuse ;
Hâtez-vous d'amener le jour
Qui doit me rendre heureuse.
Je vois dans ces Jardins
mille riantes fleurs
Éclore de vos larmes ;
Et c'est ainsi de mes pleurs
L'Amour va faire naître un bonheur plein de charmes.
Régnez, Aurore, à
votre tour,
Des cieux qu'elle a voilés, chassez la nuit affreuse ;
Hâtez-vous d'amener le jour
Qui doit me rendre heureuse.
(L'Aurore
éclaire enfin tout le Théâtre, & laisse voir Ceix, que les
flots ont poussé sur un gazon.)
ALCYONE.
Mais, quel funeste objet a frappé mes regards !
Quel est ce Malheureux, victime du naufrage !
Vous courriez les mêmes hasards,
Cher Époux, mais les Dieux ont détourné l'orage.
(Elle
approche, & reconnaît Ceix.)
Ciel ! que vois-je
? c'est lui !
(Elle
tombe dans les bras de ses Confidentes.)
CÉPHISE, &
DORIS.
Que devient-elle, hélas !
Ses maux vont lui coûter la vie.
ALCYONE.
Non, ma douleur encor ne me l'a pas ravie,
Par pitié, hâtez mon trépas.
Est-ce là ce bonheur que je devais attendre,
Et dont les Dieux m'étaient garants ?
Vous me rendez Ceix, ah ! barbares Tyrans,
Dieux cruels, est-ce ainsi qu'il fallait me le rendre ?
Vous plaisez-vous
aux maux des fidèles Amants.
Quel trouble !... ma raison s'égare :
Je me crois descendue aux rives du Ténare ;
Viens, chère Ombre... jouis de mes embrassements :
Hélas, Égarement funeste !
Mon coeur respire encor, malgré tous ses tourments.
Je vis, & d'un Époux, voilà le triste reste!
Mais que vois-je !... ah ! je touche à mes derniers
moments !...
(Elle
prend l'épée de Ceix, & s'en frappe.)
CÉPHISE,
& DORIS.
Ciel !
ALCYONE.
C'en est fait, je ne crains plus d'obstacle,
L'Amour a pour jamais disposé de mon sort ;
Le Ciel n'a pas en vain prononcé son Oracle,
Nous voilà, cher Époux, réunis par la mort.

Scène Cinquième.
NEPTUNE
sort de la Mer avec toute sa Cour.
NEPTUNE.
Je viens vous affranchir de la Parque cruelle,
Vivez heureux Amants, d'une vie immortelle,
Rien ne peut plus vous séparer ;
Les Dieux, touchés d'une flamme si belle,
N'ont permis vos malheurs, que pour les réparer.
Vous chasserez les vents de l'empire de l'Onde,
Et vous rendrez le calme à mes flots soulevés.
Les Alcyons naissants vont être aux yeux du monde
Un gage du pouvoir que vous en recevez.
(Ceix, & Alcyone
revivent ; des Alcyons naissent du sang d'Alcyone, &
vont se placer sur le trône de Neptune.)
Du coupable Phorbas
j'ai terminé les jours ;
Il n'est plus sur ces bords, qu'une Roche effrayante,
Des Matelots tremblants, il fera l'épouvante,
Et vous en serez le secours.
ALCYONE.
Quoi ! je revois Ceix !
CEIX.
Je revois Alcyone.
NEPTUNE.
Aimez-vous, aimez-vous toujours.
ALCYONE, & CEIX.
L'immortalité qu'on nous donne
Doit éterniser nos amours.
NEPTUNE.
Aimez-vous, aimez-vous toujours.
ALCYONE, & CEIX.
Aimons-nous, aimons-nous toujours.
NEPTUNE.
Chantez, chantez divinités de l'Onde,
Formez mille concerts charmants ;
Que vos voix annoncent au monde
Le triomphe de ces Amants.
(Les
Dieux de la Mer célèbrent l'apothéose de Ceix, & d'Alcyone.)
LE CHŒUR.
Chantons, qu'à nos chants tout réponde,
Formons mille concerts charmants ;
Que nos voix annoncent au monde
Le Triomphe de ces Amants.
FIN DU CINQUIÈME
ET DERNIER ACTE.
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